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Κυριακή 9 Ιανουαρίου 2011

Un conflit historique et éternel
Les tensions entre Flamands et francophones (Wallons et Bruxellois) sont une donnée congénitale de la Belgique. Phénomène paradoxal : Bruxelles nourrit autant les dissensions que les raisons de vivre ensemble.
10.06.2010|Jeanne Rubner|Süddeutsche Zeitung
Sous le titre “Qu’est-ce qu’être belge”, quatre jeunes citoyens de ce pays, issus des trois communautés (francophone, néerlandophone et germanique), cosignent dans Le Soir et De Morgen un texte aux accents de manifeste, véritable appel à l’unité dans la diversité. “Etre belge, c’est accepter de ne pas être belge à soi tout seul. C’est accepter qu’une partie de nous nous échappe. Etre belge, c’est reconnaître en nous notre part d’étranger.” On peut lire ce texte dans son intégralité sur courrierinternational.com et dans cinq autres langues à l’adresse suivante : to bel or not to bel
“La Belgique vouée à la mort ?” titrait il y a peu Le Soir de Bruxelles. Et d’ajouter : “Comment continuer à vivre ensemble ?” Ces titres empreints de perplexité témoignent de l’humeur apocalyptique qui saisit les intellectuels et les commentateurs du pays. Le caricaturiste Nicolas Vadot montre un radeau portant un drapeau belge déchiré qui est entraîné dans le tourbillon d’une chasse d’eau actionnée par un nationaliste flamand. Peur mortelle et associations fécales : la Belgique est, semble-t-il, au bord du gouffre, à un pas seulement de la scission en une partie wallonne et une partie flamande.

On a l’impression que les responsables politiques (encore) au pouvoir ont coulé le pays. On a du mal à comprendre que les représentants des deux grands groupes de population de ce petit pays situé au cœur de l’Europe, membre fondateur de l’Union européenne, se fassent une telle guerre à cause de leur langue. Beaucoup avaient espéré qu’après d’innombrables crises politiques et tentatives de réconciliation l’ancien Premier ministre Jean-Luc Dehaene serait parvenu à (pour ne pas dire aurait dû) mettre fin au conflit linguistique. Après tout, les Flamands et les francophones vivent depuis longtemps en toute autonomie et en bonne harmonie dans leurs communautés respectives. Ce n’est que là où ils se croisent, dans le Grand Bruxelles, qu’il y a des conflits.

Les Flamands, néerlandophones, n’apprécient pas que les Wallons et les Bruxellois, francophones, prennent leurs aises dans les villes flamandes, envoient leurs enfants dans leurs propres écoles, ne leur fassent pas apprendre le flamand et souhaitent en plus avoir leurs propres représentants politiques. Les francophones, en revanche, ont peur pour leurs privilèges linguistiques et demandent comme par réflexe que leurs droits soient reconnus par écrit. Les uns (les Flamands) font référence au droit du sol – quand on vit en territoire flamand, on doit s’adapter à la langue et au mode de vie flamands –, les autres (les francophones) se réfèrent aux droits civiques et à leur langue : les Wallons et les Bruxellois doivent pouvoir parler et voter librement en français.

Tout cela est parfaitement grotesque pour nombre d’Européens, mais, si l’on songe que ce conflit linguistique dure depuis cent quatre-vingts ans, son regain d’acuité ressemble davantage à une étincelle qu’à un incendie menaçant le pays. L’histoire de la Belgique est étroitement liée au conflit entre Flamands et francophones. La Flandre s’est toujours définie comme une nation par opposition à la France. Ce n’est pas pour rien que la rébellion contre la garnison française de Bruges en [mai] 1302, puis la bataille de Courtrai [en juillet de la même année] font partie des mythes fondateurs de la nation flamande. Après une première révolution, on assiste à la création des “Etats-Unis belges”, en 1790, mais cette tentative de confédération échoue du fait des luttes intestines qui opposent les insurgés aux troupes autrichiennes. Celles-ci reprennent la main. Ensuite le pays est dirigé tantôt par les Autrichiens, tantôt par les Français, tantôt par les Néerlandais, jusqu’à ce qu’une deuxième révolution, en 1830, proclame son indépendance.

L’origine de la discorde, c’est le français comme langue officielle

La Wallonie étant la partie riche du pays et l’élite bourgeoise parlant français, c’est cette langue qui est choisie comme langue officielle. C’est là que prend racine ce que le politologue belge Vincent de Coorebyter a qualifié de “malentendu originel de la Belgique”. C’est le choix du français qui est à l’origine de la discorde, et celle-ci s’est installée dès la fondation de l’Etat, contrairement à ce qui se passe en Suisse, où les quatre langues officielles sont également reconnues.

La domination du français devait bientôt se révéler fatale : pendant la Première Guerre mondiale, des officiers wallons commandent des soldats flamands qui ne comprennent pas les ordres donnés en français. Les Flamands sont de toute façon considérés comme de la chair à canon et crèvent comme des chiens, en masse, dans les tranchées. Cette humiliation fait que les autonomistes flamands gagnent bientôt de l’influence et explique également la sympathie que de nombreux Flamands éprouvent pour les occupants allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les premières lois linguistiques apparaissent dès 1930 : le roi est contraint d’autoriser le néerlandais comme langue principale à l’université de Gand, qui était jusqu’alors francophone. La séparation linguiste du pays est décidée en 1962. L’université de Louvain donne lieu à un conflit particulièrement violent : l’établissement est finalement divisé entre l’université Leuven, néerlandophone, et l’Université catholique de Louvain, un nouvel établissement francophone. A la fin des années 1960, la Vrije Universiteit Brussel naît elle aussi d’une scission de l’Université libre de Bruxelles.

L’éloignement croissant des deux communautés, qui connaît en 1993 une fin provisoire avec le passage d’un Etat unitaire vers un Etat fédéral composé de trois régions (Flandre, Bruxelles et Wallonie) et trois communautés (flamande, wallonne et germanophone), va de pair avec la confiance croissante des Flamands en eux-mêmes. Car ceux-ci ne sont plus les paysans simples et bigots que Jacques Brel chantait encore vers 1960 dans Les Flamandes. La Flandre a connu un beau développement économique et dépassé depuis longtemps la Wallonie et son industrie lourde, affaiblie en termes d’activité et de revenus. Ce qui explique aussi que les Flamands puissent se permettre de faire référence au droit du sol (flamand), alors que les Wallons s’accrochent à l’idéal d’un Etat francophone qui n’existe plus.

La situation n’est ni nouvelle ni surprenante ; la Belgique est en crise depuis sa naissance et cette crise se nourrit de blessures qui sont encore loin d’être cicatrisées, au contraire. Les nationalistes flamands se renforcent de plus en plus ; aujourd’hui, ce sont des mouvements séparatistes comme le Vlaams Belang (extrême droite) et la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA, nationalistes) qui dictent leur programme aux partis modérés. Et, s’il n’y avait pas eu Bruxelles, le pays se serait peut-être déjà scindé. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, sans Bruxelles, il n’y aurait pas de conflit, mais il n’y aurait pas non plus de raison de vivre ensemble. La capitale est la seule région bilingue du pays ; c’est elle qui cause la discorde, mais elle constitue en même temps la charnière entre les deux régions inégales. Bruxelles est de plus le siège de l’Union européenne, le symbole de l’Europe unie. Outre la question pratique de savoir si, en cas de scission, la Flandre et la Wallonie seraient chacune membre de l’UE et pourraient avoir droit à un commissaire, que serait une Union européenne qui aurait une “capitale” divisée ?

Bien sûr qu’ils vont encore se réconcilier, les Flamands et les Wallons ! Ils en ont l’habitude. S’en sortir vaille que vaille, c’est un principe important sinon fondamental de ce petit pays. Les partis ne souhaitent plus gouverner en­semble ? Eh bien, ils vont essayer une autre coalition [après les élections du 13 juin] ! La Belgique survivra pendant un bon moment encore – et continuera de se quereller.
Etre belge
Sous le titre “Qu’est-ce qu’être belge”, quatre jeunes citoyens de ce pays, issus des trois communautés (francophone, néerlandophone et germanique), cosignent dans Le Soir et De Morgen un texte aux accents de manifeste, véritable appel à l’unité dans la diversité. “Etre belge, c’est accepter de ne pas être belge à soi tout seul. C’est accepter qu’une partie de nous nous échappe. Etre belge, c’est reconnaître en nous notre part d’étranger.” On peut lire ce texte dans son intégralité sur courrierinternational.com et dans cinq autres langues à l’adresse suivante : to bel or not to bel

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