| L'Europe est votre première femme ! » A sa manière, Daniel Cohn-Bendit a rappelé au chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, que la poursuite des négociations d'adhésion à l'Union européenne (UE) devait rester une priorité pour Ankara. Le ministre a apprécié son échange « franc et sincère » avec le président du groupe Verts du Parlement européen, mercredi 3 novembre. Mais, face à l'opposition parfois agressive de plusieurs pays membres, principalement la France et l'Allemagne, l'enthousiasme proeuropéen s'essouffle. A peine 38 % des Turcs se déclarent en faveur d'une adhésion à l'Union, selon le dernier sondage Eurobaromètre établi par la Commission européenne. Plus qu'une véritable opposition, ce chiffre traduit une résignation sur l'issue des négociations. « Rien n'avance, constate Cengiz Aktar, directeur du département d'études européennes à l'université Bahçesehir d'Istanbul. Les raisons sont connues : la méthode de M. Sarkozy, la politique de revanche de la République de Chypre et l'absence d'une perspective claire donnée à la Turquie. Il faut fixer une date pour l'adhésion. L'Europe ne sert plus de levier au processus de changement qui est à l'oeuvre en Turquie », poursuit-il. Les pourparlers, commencés il y a cinq ans à Bruxelles, avancent au ralenti. « Trop lentement », s'est plaint Ankara. Sur les 35 chapitres de règles communautaires auxquelles la Turquie doit se conformer, seuls 13 ont été ouverts. Aucun nouveau volet n'a pu être entamé cette année, et 18 restent bloqués par Chypre ou par la France, qui font obstruction à l'adhésion turque. Il en va ainsi du dossier pourtant crucial de l'énergie, sur lequel Chypre a mis son veto. « Cela fait cinquante ans que la Turquie est laissée à la porte de l'Union européenne », a regretté le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, amer, le jour de la sortie du rapport annuel de suivi de la Commission européenne sur les progrès de la candidature. « Depuis que le match a commencé, les règles du jeu ont été modifiées », et la Turquie « prend ombrage de cette situation », a-t-il ajouté. Dans un entretien à la BBC, le président de la République Abdullah Gül a dénoncé les « obstacles artificiels et injustes » placés devant la candidature turque, censée satisfaire des critères techniques, mais qui doit finalement répondre à des arguments politiques. Le rapport de la Commission présenté reste nuancé. Suffisamment pour permettre au ministre chargé des affaires européennes, Egemen Bagis, de se laisser aller à l'autosatisfaction. « Nous avons progressé dans tous les domaines. Les progrès réalisés par la Turquie ces huit dernières années sont sidérants », estime-t-il. Les chapitres restant à ouvrir sont quasiment épuisés. L'impasse de la question chypriote demeure le principal obstacle. La Turquie refuse d'ouvrir ses ports et ses aéroports aux Chypriotes grecs qui, de leur côté, empêchent la levée de l'embargo sur la partie turque de l'île, une promesse faite par Bruxelles en 2004. Chypre joue « le gamin capricieux de l'Union », selon Daniel Cohn-Bendit. Dès lors, Ankara menace de poursuivre d'autres objectifs, même si, officiellement, la volonté d'adhérer à l'Union européenne ne faiblit pas. La Turquie, dont l'économie est l'une des plus dynamiques de la planète, veut rejoindre le club des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), les grands pays émergents. A Oxford, le 8 novembre, Abdullah Gül a expliqué que l'équilibre mondial se déplaçait vers l'Est et que, pour rester forte, l'Union devait intégrer la Turquie. « Peut-être que, le jour venu, les Turcs diront : «Nous avons lancé les réformes, nous avons adopté les standards européens, ça nous suffit», et peut être qu'ils ne sentiront pas le besoin de devenir membres de l'Union », a conclu M. Gül. L'enthousiasme européen peut renaître facilement, plaide l'universitaire Cengiz Aktar, pour qui ce désamour est « conjoncturel ». Un accord sur l'assouplissement des procédures de visa pour les Turcs voyageant dans l'Union, actuellement en négociation, permettrait d'apaiser les susceptibilités. « Nous avons besoin de la dynamique, des techniques, des normes et des valeurs européennes pour continuer à nous réformer », insiste M. Aktar. Guillaume Perrier |
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