David Cameron relance la polémique sur l'adhésion de la Turquie à l'UE
30.07.10 |
Pas question d'animer l'été avec une relance de la polémique sur le thème de l'élargissement de l'Union européenne (UE) : Paris et Berlin n'ont pas multiplié les réactions aux propos de David Cameron sur la Turquie. Le premier ministre britannique effectuait sa première visite officielle dans ce pays depuis son entrée en fonctions. Mardi 27 juillet, à Ankara, il a dit sa "colère" face aux entraves mises, selon lui, à l'entrée de la Turquie dans l'UE.
Se posant en "avocat le plus déterminé", M. Cameron n'a pas cité les deux principaux opposants à cette adhésion : Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Mais il a mentionné le général de Gaulle et fait référence au veto opposé par deux fois à l'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne : "Nous savons ce que c'est que d'être mis de côté, mais nous savons également que cela peut évoluer", a noté le premier ministre, accusant encore ses partenaires européens de ne pas comprendre le "véritable islam".
Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, a précisé : "Nous sommes favorables à la poursuite des négociations avec la Turquie, nous ne sommes pas favorables au point d'arrivée." C'est-à-dire à une adhésion. En visite à Istanbul mercredi, Guido Westerwelle, le chef de la diplomatie allemande, a souligné la nécessité de "lier la Turquie à l'Europe", d'approfondir "les relations mutuelles avec ce pays" sans qu'il devienne pour autant membre de l'Union. C'est la proposition du "partenariat privilégié", qui irrite les dirigeants turcs.
Stefan Füle, le commissaire européen à l'élargissement, a évoqué, lui, une "perspective d'entrée". Confrontée au raidissement de certaines capitales, aux réticences des opinions publiques et au bilan globalement négatif des derniers élargissements, la Commission veut continuer à croire en ses projets. Elle poursuit le travail de négociation avec la Croatie, elle vient de le commencer avec l'Islande. Le début des discussions avec l'ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM) est fixé à 2011. La Serbie, le Monténégro et l'Albanie, voire la Bosnie et le Kosovo nourrissent des espoirs. Tous savent qu'aucune conclusion éventuelle n'interviendra avant 2020.
Qu'en sera-t-il des négociations avec la Turquie, débutées en 2005 ? Le bilan des réformes est toujours jugé insuffisant : un chapitre de négociation a été refermé, même si 13 (sur 35) sont ouverts. Une nouvelle évaluation aura lieu en décembre, centrée sur la question des relations entre Ankara et Chypre. D'ici là, Londres espère forcer l'ouverture de nouveaux chapitres.
Sueurs froides
Dans quel but ? Beaucoup voient l'influence du très puissant ministre des affaires étrangères, William Hague, eurosceptique de choc, sur le discours de M. Cameron. Pour M. Hague, l'adhésion turque rendra l'UE ingouvernable. Elargir au maximum l'entreprise européenne est la meilleure façon de diluer les pouvoirs de Bruxelles.
Par ailleurs, la nouvelle politique étrangère britannique s'intéresse de près aux pays émergents. La Turquie est une puissance régionale majeure. Sa forte croissance, la jeunesse de sa population et ses bonnes relations avec le Caucase, l'Asie centrale et le Moyen-Orient - dont l'Iran et la Syrie - en font un partenaire privilégié.
Enfin, la politique étrangère de la nouvelle coalition britannique est ouvertement guidée par les intérêts économiques. Le Royaume-Uni cherche de nouveaux partenaires commerciaux au-delà de son premier marché d'exportation, l'UE. Ankara a besoin d'infrastructures et d'équipements militaires. Londres espère promouvoir l'industrie britannique tout en attirant les capitaux turcs dans la City.
Le soutien à la Turquie en Europe a toutefois ses limites. David Cameron doit aussi compter avec le lobby pro-israélien, très actif au sein de son équipe tory en la personne du ministre de la défense, Liam Fox. De plus, l'intransigeance des dirigeants turcs sur la question chypriote se heurte aux liens très étroits entre la République de Chypre et son ex-puissance tutélaire, qui y dispose de bases militaires. Dernier élément : alors que M. Cameron a durci sa politique migratoire, la perspective de l'arrivée en masse de citoyens turcs musulmans donne des sueurs froide à sa base conservatrice.
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