Chypriotes grecs et turcs négocient à Genève pour sortir de l’impasse
nations unies samedi22 janvier 2011 Par Stéphane Bussard
La division de Chypre perdure depuis trente-six ans. Ban Ki-moon exige des parties qu’elles montrent une réelle volonté de progresser. Les obstacles pour réunifier l’île demeurent
Le sommet de Genève entre le leader chypriote grec Demetris Christofias et son homologue chypriote turc Dervis Eroglu avec la présence du secrétaire général de l’ONU va-t-il réussir là où plus de 90 rencontres tenues depuis septembre 2008 ont échoué? Mercredi 26 janvier, au Palais des Nations, de 10 heures à 14 heures, les deux négociateurs doivent rapporter à Ban Ki-moon les progrès réalisés depuis le sommet de New York en novembre 2010. Mais le constat est brutal. Il n’y a aucun progrès. La réunification de l’île paraît même plus lointaine. A Genève, l’espoir ne sera donc pas substantiel. «Il consistera à retrouver une dynamique», explique un observateur.
Trente-six ans après la tentative des colonels grecs d’annexer Chypre en renversant Mgr Makarios et après l’invasion par l’armée turque du nord de l’île, aujourd’hui autoproclamée République turque de Chypre du Nord, rien ne semble avoir bougé. Pour une source proche du dossier, la dispute chypriote s’est même aggravée la semaine dernière. Dervis Eroglu est revenu sur ce qui semblait pourtant un acquis: la volonté de part et d’autre de créer une fédération avec deux entités dotées d’une seule personnalité juridique internationale. «Le leader chypriote turc estime que les deux composantes de la future Fédération chypriote devraient bénéficier d’une souveraineté et non pas la seule fédération. C’est un retour en arrière.»
Les obstacles à une résolution du problème chypriote restent nombreux. Les droits de propriété sont sans doute l’écueil principal tant les positions sont figées. Les Chypriotes grecs se réfèrent aux principes des droits de l’homme appliqués au sein de l’Union européenne dont ils sont membres depuis 2004: les personnes expropriées doivent pouvoir retrouver leur propriété. Mais l’affaire n’est pas simple. Environ 80% des biens immobiliers du nord de l’île appartiennent à l’origine à des Chypriotes grecs. Si tous récupéraient leurs biens, l’entité chypriote turque serait fortement minée. On estime que ces derniers devraient pouvoir choisir entre une compensation, un échange ou une réappropriation.
Dans le domaine de la sécurité, 43 000 soldats turcs veillent au grain sur l’île. Les Grecs y ont un peu moins de 1000 soldats, l’ONU quelque 700 Casques bleus et l’armée chypriote grecque compte environ 10 000 soldats. Enfin, selon le journaliste britannique William Chislett, depuis 2008, les deux parties auraient dû mettre en œuvre 23 mesures pour restaurer la confiance. Seules six ont été prises. Trois d’entre elles consistent à échanger des informations dans les questions criminelles, à faciliter le transit des ambulances au-delà de la Ligne verte ou encore à recenser le patrimoine culturel de l’île.
Face à la stagnation du dossier, l’ONU commence à s’impatienter. Ban Ki-moon exigera à Genève des solutions pratiques pour surmonter les blocages, une communication conjointe entre les deux leaders et un engagement de chacun pour convaincre les populations des bienfaits d’une réunification de Chypre.
En 2004, le précédent secrétaire général, Kofi Annan, avait déjà mis sur la table un plan audacieux de fédération chypriote bicéphale. Un vote a eu lieu. Les Chypriotes turcs ont largement accepté (64,9%) la proposition soumise à référendum. La partie chypriote grecque l’avait nettement refusée (75,8%). Malgré cela, ajoute William Chislett, Chypre a pu adhérer à l’Union européenne grâce aux menaces de la Grèce de bloquer l’adhésion d’autres candidats à l’UE. Aujourd’hui, beaucoup pensent que la Turquie n’adhérera pas à l’UE tant que le problème chypriote n’est pas résolu.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, il y a quelques jours, l’envoyé spécial de Ban Ki-moon pour Chypre, Alexander Downer, était à Ankara. Cette visite ne doit pourtant pas masquer un certain ras-le-bol onusien. Le Sud-Coréen étudierait la possibilité de supprimer la fonction d’Alexander Downer et de réduire le nombre de Casques bleus sur place. Au plan international, la partition de l’île ne serait plus taboue. Mais, explique un spécialiste, «ce défaitisme n’est pas sans arrière-pensée. La Grande-Bretagne, qui est l’une des trois puissances garantes de Chypre aux côtés de la Grèce et de la Turquie en vertu de l’accord d’indépendance de 1960, a un intérêt au statu quo. Elle peut ainsi conserver ses deux bases militaires d’Akrotiri et de Dhekelia au sud de l’île, dont l’importance stratégique est considérable».
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