Cameron relancera-t-il l'adhésion turque ?
Dans l'un de ses plus importants discours sur l’Europe, le Premier ministre britannique a fortement défendu l’entrée de la Turquie dans l’Union. La majorité de la presse britannique salue sa prise de position, mais les médias continentaux, et parfois même turcs, restent dubitatifs quant à sa portée.
Dans son discours du 27 juillet à Ankara, le Premier ministre britannique, David Cameron, a fait part de sa "colère" face à la lenteur des négociations d’adhésion de la Turquie et a promis de se battre pour l’entrée du pays dans l’Union européenne. L’ancien ministre chargé des Affaires européennes, le travailliste Denis McShane, se félicite de cette initiative dans les pages du Guardian. "Il faut aujourd’hui saluer la poursuite par David Cameron de la diplomatie turcophile menée par Tony Blair vis-à-vis d’Ankara", écrit-il, rappelant au passage que c’est l’ancien Premier ministre travailliste qui avait obtenu, seul, du Conseil européen, l’ouverture des négociations d’adhésion de la Turquie.
Cameron fait toutefois face à "un paysage politique européen différent", la France et l’Allemagne - d’abord solidaires avec Tony Blair - rejetant aujourd’hui fermement l’entrée de la Turquie au sein de l’UE. "En se retirant du principal bloc politique de centre-droite où évoluent Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et la plupart des autres partis européens au pouvoir, David Cameron se prive de la possibilité d’exprimer la position britannique dans cet important débat politique européen", souligne McShane.
La Turquie est elle aussi en train de se saborder, poursuit-il. "Hier, le ministre du Commerce turc a déclaré que la Turquie n’obéirait pas aux sanctions européennes contre l’Iran, ce qui revient à les saboter. Est-ce vraiment opportun de la part d’un gouvernement désireux de se rapprocher de l’UE ?" Reste également l’éternel problème de Chypre : "En refusant d’entendre les craintes légitimes des Chypriotes, la Turquie est en train de transformer l’épine chypriote en véritable épée tournée contre son propre flanc. Les manœuvres grecques et chypriotes sur la question servent de paravent aux grandes nations européennes turcophobes".
Un traitement humiliant
Dans le Daily Telegraph, l’eurodéputé conservateur Daniel Hannan applaudit le discours de Cameron et épingle l’Union européenne pour son "traitement malhonnête et humiliant" de ce grand voisin musulman. L’adhésion de la Turquie est pour lui un "atout stratégique : une façon de renforcer la première démocratie musulmane au monde et pourquoi pas, ce faisant, d’affaiblir le fédéralisme européen".
Depuis l’ouverture des négociations d’adhésion en octobre 2005, Bruxelles n’a pourtant fait que "des promesses en l’air". "L’UE a fait avaler bien des couleuvres à Ankara, depuis la révision du statut des minorités au massacre des Arméniens de 1915. Elle reproche son autoritarisme au gouvernement turc lorsqu’il réglemente l’usage des symboles religieux musulman et l’accuse de fondamentalisme lorsqu’il ne le fait pas".
"Si j’était turc, poursuit le député eurosceptique, je serais contre l’adhésion à l’UE. La Turquie est un pays dynamique et démographiquement jeune, contrairement aux pays européens. S’il y a bien une chose dont les Turcs n’ont pas besoin, c’est de la semaine de 48 heures, de la politique agricole commune, de l’euro et de tout le corporatisme de l’appareil bruxellois. Pourquoi se rattacher à un pan de l’économie mondiale en déroute quand des marchés émergents vous tendent les bras à l’Est ?"
Sceptique, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, revient sur l’affirmation de David Cameron selon laquelle un pays membre de la coalition de l’OTAN présent en Afghanistan ne devrait pas avoir à "tenir la garde à l’entrée du camp sans avoir le droit de dormir à l’intérieur". Si l’adhésion à l’OTAN était un critère d’entrée, "l’UE devrait aussi accepter le Canada et les Etats-Unis. Ces deux pays ont plus de points communs que de différences avec l’Europe et d’un point de vue géographique, la Turquie n’a qu’un orteil en Europe. Mais plus sérieusement : comment David Cameron peut-il croire - avec une telle foi - qu’il peut ainsi étendre le territoire de l’Union européenne sans risque ? Les divergences d’opinion entre Paris et Berlin sont profondes et ne sauraient être négligées".
La route est encore longue
Dans le quotidien stanbouliote Zaman, Amanda Paul remarque que "le chemin vers l’UE est semé d’embûches, ce qui signifie que la Turquie a emprunté "l’itinéraire touristique" plutôt que "l’autoroute" pour Bruxelles". Des Etats membres importants considèrent la Turquie comme un partenaire précieux d’une grande importance stratégique mais jugent le pays simplement trop différent d’eux. "Apparemment, le slogan européen "la force dans la diversité" en fait c’est "l’unité dans la diversité" ! ne s’applique pas à la Turquie", ironise-t-elle.
Le discours de Cameron aura-t-il des répercussions concrètes ? "La Turquie pourrait lui demander de montrer qu’il ne s’agit pas de simples paroles en l’air et exiger, par exemple, qu’il se prononce sur la question chypriote". Le problème, poursuit la journaliste, est que même avec la meilleure volonté du monde, l’image négative d’une Turquie "en pleine mutation" n’est pas près de disparaître. "De manière générale, la Turquie est considérée comme une destination de vacances très sympathique mais absolument pas comme un pays que nous voudrions voir entrer dans notre club".
"L’Union européenne et la Turquie sont sur des montagnes russes", conclut la journaliste. "Il y a déjà eu beaucoup de hauts et de bas et il y en aura d’autres. Le problème étant que les montagnes russes ne permettent guère d’avancer puisqu’elles ne font que tourner en rond avec quelques arrêts iimprévus en cours de route. C'est sûrement ce que vivent l’Union européenne et la Turquie".
Δεν υπάρχουν σχόλια:
Δημοσίευση σχολίου