La BCE face au grand écart de croissance en zone euro
30.08.10
Une zone euro à deux vitesses, et une Banque centrale (BCE) plus tiraillée que jamais : ainsi se présente le front économique après six mois de crise de la dette souveraine au sein de l'Union monétaire.
Les Européens espèrent avoir traversé le pire, après avoir volé, en mai, au secours de la Grèce, et mis en place un mécanisme inédit de renflouement des Etats menacés de faillite. Mais la vigilance demeure de mise, en dépit d'une relative accalmie cet été.
Aux avant-postes, la BCE effectue sa rentrée jeudi 2 septembre dans un contexte redoutable : elle va devoir composer avec des écarts significatifs de croissance entre les pays membres de l'Union monétaire.
La vitesse du redémarrage de l'économie allemande (+2,2 % au deuxième trimestre) a laissé sur place tous ses partenaires. Le deuxième dans la course à la croissance, les Pays-Bas, a affiché +0,9 % ; les trois autres poids lourds de la zone, France, Italie et Espagne, enregistraient respectivement +0,6 %, +0,4 % et +0,2 %.
"Tous les choix de politique monétaire vont être plus difficiles", estime Jean Pisani-Ferry, le directeur du centre de réflexions économiques Bruegel, à Bruxelles : "Le conseil des gouverneurs va être plus divisé, la prise de décision sera plus compliquée, au risque de rendre la BCE moins réactive."
Les écarts de croissance n'ont, certes, rien de nouveau pour la BCE. Mais la crise a inversé les rapports de force. Pendant les dix premières années de l'euro, ce sont les pays de la périphérie, Espagne et Irlande en tête, qui ont surclassé les pays plus centraux, comme l'Allemagne et la France.
AJUSTEMENT DOULOUREUX
Depuis la récente tempête, les économies autrefois les plus dynamiques font face à un ajustement douloureux. "Le choc qui affecte la périphérie – crise de la dette et/ou éclatement de la bulle immobilière– nécessite une politique monétaire accommodante", analyse Jacques Cailloux, économiste à Barclays capital. "Or, ajoute-t-il, si la reprise se poursuit en Allemagne, et dans les pays du centre, la BCE sera censée intervenir pour tenir l'inflation sous contrôle, alors même que les mesures prises pour gagner de la compétitivité dans la périphérie, comme les baisses de salaires, vont étouffer l'inflation dans la partie la plus fragile de l'Union monétaire."
Le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a souvent répété que la diversité conjoncturelle n'était pas un obstacle, prenant exemple sur ce qui se passe aux Etats-Unis, et les écarts qui peuvent exister entre les Etats fédérés. Mais les économistes ne sont guère convaincus.
Ils notent que la mobilité du travail est grande outre-Atlantique, faible en Europe. Et ils observent que compte tenu du poids économique de l'Allemagne (27 % du produit intérieur brut de la zone euro), c'est largement en fonction de la conjoncture dans ce pays que la BCE définit sa politique monétaire. Ce qui signifie que si l'Allemagne continue sur sa lancée, l'institut d'émission pourrait être obligé de relever ses taux alors même qu'un pays de la zone euro serait sous la menace d'une récession.
Ce serait un coup fatal pour les "lâchés" – Grèce ou Espagne – mais aussi très dur pour les pays du "peloton" comme la France. "Une hausse des taux d'intérêt aurait un double impact sur les pays en plein ajustement: renchérir le coût de leur endettement, et fragiliser leur reprise", craint M. Cailloux.
BESOINS INVERSES
Dans ce contexte, les gouvernements suivront de près la moindre initiative de la BCE. En France, où les dirigeants redoutent de longue date d'être surclassés par les performances de la machine à exporter allemande, l'inquiétude est discrète, mais réelle.
"Il est clair que si les divergences se creusent entre la France et l'Allemagne, les deux pays vont avoir des besoins symétriquement inverses sur le plan monétaire : l'Allemagne jouera la carte de la maîtrise des coûts, et de la lutte contre l'inflation, la France surendettée misera sur la relance par les salaires et aura intérêt à voir sa dette grignotée naturellement par un minimum d'inflation", analysait un haut fonctionnaire français au plus fort de la crise financière.
La question est de savoir si les divergences vont persister, en particulier entre Berlin et Paris. Pour de nombreux économistes, une grande partie de la croissance allemande dépend des exportations, et pourrait s'atténuer en cas de ralentissement aux Etats-Unis et dans les pays émergents.
Pour Jean Pisani-Ferry, "tout dépendra, au-delà des écarts de croissance, des divergences sur le front de l'inflation". La hausse des prix reste modeste en Allemagne comme dans l'ensemble de la zone euro. Cette stabilité incite les banquiers centraux à laisser leurs taux inchangés, à 1 % depuis mai 2009 ; un statu quo qui arrange tous les gouvernements.
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