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Κυριακή 9 Ιανουαρίου 2011

Mercredi 9 juin 2010
RUSSIE • De l’Eglise orthodoxe comme antichambre du pouvoir
Le patriarche est aujourd’hui la sixième figure politique du pays, et l’Eglise orthodoxe l’une des rares institutions respectées. Le Kremlin est de plus en plus tenté de l’utiliser comme courroie de transmission idéologique.
10.06.2010|A. Lonskaïa, A. Kolesnitchenko|Novyé Izvestia
© Courrier international
A peine terminées les célébrations consacrées, le 24 mai, à la Journée de la culture et de l’écriture slave, qui est aussi le jour des saints Cyrille et Méthode [évangélisateurs et introducteurs de l’alphabet cyrillique], le Conseil de la Fédération de Russie [Sénat] approuvait une loi créant une nouvelle fête religieuse : la Journée du baptême de la Russie, fixée au 28 juillet. Les cérémonies qui se dérouleront à cette occasion seront financées par l’Etat. Dieu nous préserve d’une organisation semblable à celle du 24 mai, quand les pouvoirs publics ont barré les rues des centres-ville et envoyé défiler des groupes sur ordre, par l’intermédiaire des conseils d’arrondissement, des universités et même des dispensaires médicaux. Les sénateurs n’entendent pas en rester là. Pour éviter de blesser les musulmans, ils envisagent d’étendre la liste des fêtes religieuses en célébrant chaque année une Journée d’adoption de l’islam. Indéniablement, les flamboyantes fêtes religieuses font du bien aux individus, mais pourquoi les accompagner de ces défilés honteux ? On en vient à soupçonner les autorités d’instrumentaliser l’orthodoxie, en premier lieu pour endiguer les protestations sociales.

En Russie, le début du mois de mai a été marqué par les manifestations de l’opposition et les prises de parole de mineurs [après le coup de grisou qui a fait 66 morts dans une mine de Sibérie occidentale] qui ont mis en lumière des aspects peu reluisants de leur vie dans les mines. Sergueï Markov, député de Russie unie, parti au pouvoir, soulignait récemment que les Russes faisaient plus confiance à l’Eglise qu’à l’Etat et que le ­Kremlin devait exploiter cette situation. Selon Alexeï Grajdankine, directeur adjoint de l’institut de sondages Centre Levada, l’Eglise est une “institution sociale influente”, et les appels des ecclésiastiques à cesser les manifestations devraient avoir un impact sur les indécis. Pour le politologue Alexeï Makarkine, il faut distinguer l’avis de l’Eglise et l’aura du patriarche. En effet, selon lui, le patriarche peut également exercer un ascendant sur les non-pratiquants. “La majeure partie de ceux qui ne fréquentent pas l’église assidûment ont besoin d’un accompagnement spirituel pour orienter leur vie, et c’est sur eux que compte l’Eglise orthodoxe pour élargir ses rangs. De son côté, l’Etat peut espérer que ces citoyens croyants, attentifs aux discours d’une autorité morale, se montreront plus dociles et plus confiants. N’oublions pas qu’il y a tout juste un an, au cours du Concile russe mondial, le patriarche avait déclaré que la politique actuelle du pays correspondait aux intérêts nationaux. Il avait aussi assuré que la crise économique avait des causes morales et nous était arrivée de l’étranger.”

Vladimir Viguilianski, porte-parole du patriarcat de Moscou, proteste : “L’Eglise n’utilise pas la tribune qu’elle représente pour anesthésier le peuple. Nous effectuons un certain travail en commun avec l’Etat, mais nos objectifs sont différents. L’Eglise s’occupe du salut des hommes.” On ne saurait pourtant nier que le patriarche Cyrille gagne de plus en plus de poids politique. Il figure ainsi en sixième position dans la liste des personnalités qui inspirent le plus confiance aux citoyens, selon un classement établi ce printemps par le Centre Levada. D’après le Centre d’étude de l’opinion, 62 % des personnes interrogées feraient confiance aux gens d’Eglise. Seuls les enseignants obtiennent un meilleur score. La soif d’une nouvelle idéologie n’est pas étrangère à cette situation. Selon Alexeï Makarkine, “la pénurie d’institutions respectables en Russie laisse toute la place à l’Eglise, et sa fonction patriotique ne cesse d’être mise en avant”.

L’Église et l’État s’opposent cependant sur l’avortement

On peut considérer que la coopération entre l’Etat et l’Eglise est de type gagnant-gagnant. “D’un point de vue matériel, l’Eglise dépend de l’Etat. Elle a à cœur de récupérer le patrimoine qui lui appartenait [une loi vient d’être votée en ce sens]. Pour sa part, l’Etat voit dans l’Eglise orthodoxe une force qui le soutient”, constate Alexeï Makarkine. L’année dernière, le gouvernement a décidé d’affecter une subvention de 3 milliards de roubles par an [75 millions d’euros] à la restauration des églises orthodoxes. Cela pourrait susciter un sentiment d’injustice parmi les gens qui s’estiment socialement lésés. Mais l’Eglise échappe aux critiques.

Les experts s’accordent à dire qu’aucune opposition ne peut naître dans les rangs des véritables croyants. “Celui qui se rend à l’église va y chercher l’avis d’un directeur de conscience, et les directeurs de conscience se mêlent rarement de politique”, souligne Alexeï Makarkine. Pour lui, chez les orthodoxes purs et durs on ne voit apparaître que des opposants “spécifiques”, qui s’élèvent contre le recensement de la population ou les passeports biométriques [ils considèrent les codes informatiques comme des symboles du diable]. Le père Vsevolod Tchapline, responsable du département coopération entre l’Eglise et la société, est du même avis. Il estime pourtant que les relations entre l’Eglise et le pouvoir ne sont pas sans nuages : l’Eglise milite farouchement contre l’avortement et s’inquiète aussi de la multiplication des moyens électroniques qui permettent de contrôler les individus.

Désormais, pour une partie des hauts fonctionnaires et des députés, il est de bon ton de respecter le carême et d’observer les rites orthodoxes. Les élus du peuple font des dons à l’Eglise, étalent leur piété. Surtout au moment des élections. “Au XIXe siècle, tout fonctionnaire orthodoxe devait présenter à son supérieur une attestation prouvant qu’il avait communié et s’était confessé. On ne reviendra certes pas à un tel niveau de religiosité au sein de l’Etat”, juge Alexeï Makarkine. Mais il n’est pas exclu que les relations entre l’Eglise et l’Etat atteignent certains extrêmes. L’Eglise expliquera à ses ouailles, par exemple, le sens des lois et des réformes, en faisant la promotion des initiatives de l’Etat. Le 31 mai, lors de la rencontre entre les membres de Russie unie et du patriarcat, un haut responsable politique a demandé à ses interlocuteurs de “soutenir notre position et [de] stopper la panique que les opposants veulent répandre dans la société”, à propos de la nouvelle loi sur les restrictions budgétaires.

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