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Παρασκευή 8 Ιουνίου 2012

François HOLLANDE et la TURQUIE : ENTRE L’AMBIGUITE ET L’INDECISION


François HOLLANDE et la TURQUIE : ENTRE L’AMBIGUITE ET L’INDECISION
Les présidents turc Abdullah Gül et français François Hollande au sommet de l'OTAN à Chicago, le 20 mai.  

Pour la première fois depuis 17 ans, l’élection d’un Président de la République est accueillie avec enthousiasme à la fois par la Turquie, fermement opposée à toute loi sur le négationnisme, et par les organisations arméniennes qui ont tout aussi fermement participé à sa promotion. Décryptage d’un paradoxe…


Selon une dépêche AFP, le soir du 11 mai, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé le nouvel élu à la tête de l’Etat français, François Hollande pour le féliciter de sa victoire, manifestant simultanément l’espoir que son élection ouvrirait « une nouvelle ère » dans les rapports franco-turcs et que celles-ci seraient « désormais libérées des questions artificielles les affectant. » Si la satisfaction de M. Erdogan s’explique plus par le soulagement que lui procure le départ de Nicolas Sarkozy, irréductible opposant à son accession à l’Europe, elle ne se comprend pas moins par l’entrée dans le gouvernement de ses plus fermes partisans. En effet, les amis de la Turquie sont dans la place. A commencer par Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances, partisan de longue date de l’intégration turque à l’Europe et membre éminent de la Commission Scientifique de l’Institut du Bosphore, dont l’action de lobbying contre la loi sur le négationnisme auprès des Parlementaires et du Conseil Constitutionnel fut déterminante.
La position pro-turque du Grand Argentier y est confortée par la présence à la tête du ministère de l'égalité des territoires et du logement, Mme Cécile Duflot qui, après avoir signé un protocole d’accord avec le CCAF jurant urbi et orbi qu’elle soutiendrait la loi mordicus, a marqué son sens de la parole donnée et de la fidélité à ses principes en poussant le Groupe des Verts à voter contre la loi au Sénat et à signer le recours auprès du Conseil Constitutionnel. Enfin, comme le site Armenews s’en est fait l’écho, Mme Taubira, nouvelle Garde des Sceaux, est rien moins que l’ancienne colistière aux élections européennes 2004 de M. Demir Önger, président du Centre Culturel Anatolie, dont l’action négationniste n’est plus à faire. En un mot, M. Erdogan n’a pas à se plaindre du casting du nouveau gouvernement Hollande. Il y a ses porte-voix.
Il aurait certes des raisons de se plaindre en considérant la présence à la tête de ce même gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui a soutenu la loi socialiste de 2006 contre le négationnisme, tout comme la loi Boyer. Ou bien en regrettant la nomination de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, adversaire de longue date aux négociations d’adhésion. Sans compter bien sûr François Hollande lui-même qui, dès 2004, s’était engagé à faire voter une loi sur la négation du génocide arménien et qui a tenu parole en 2006 en appuyant, contre nombre des membres de son parti, la proposition de projet de loi présentée par le député des Bouches-du-Rhône d’alors à l’initiative du CCAF Marseille-ProvenceChristophe Masse. Les Arméniens n’ont pas à se plaindre non plus.
Pourtant, il y a cette lettre de François Hollande, daté du 2 mai 2012, soit deux jours après le 1er tour des élections, au sus cité Demir Önger, président du Centre Culturel Anatolie, lettre où le candidat au 2ème tour salue « les efforts » de son comité « dans son incessante quête pour la paix qui mérité d’être encouragée. » Vu que la principale activité du comité de M. Önger consiste à œuvrer pour la négation du génocide arménien et à taire, voire à justifier, l’emprisonnement de journalistes turcs, et l’assassinat de civils kurdes, on voit mal en quoi consiste la quête de la paix dont parle M. Hollande. Mais bon, supposons qu’il s’agisse là d’une clause de style. En revanche, parlant de la loi sur la négation, le futur président Hollande déclare en le défendant : « Le texte récemment adopté par le Sénat ne parle, en effet, pas d’un génocide en particulier, mais vise à punir pénalement ceux qui auront fait l’apologie, contesté ou minimisé les crimes de génocide… C’est un texte (…) qui ne vise directement aucun Etat ni aucun peuple…». Un bon texte donc. Or, le texte-là n’est pas celui qu’il a proposé par le Parti Socialiste qu’il dirigeait, lequel texte parlait explicitement de la négation du génocide arménien, mais celui, universaliste de son concurrent, Nicolas Sarkozy, laissant entendre par là même que le texte proposé par le PS en 2006 par la voix de Christophe Masse était passé par perte et profit et que seul devait être retenu l’approche sarkozyenne. Le candidat Hollande s’engage à en proposer un autre « respectueuse de notre Constitution, (…) conforme aux engagements internationaux de la France et au Traité de l’Union européenne. »
Certes, mais on peut se demander alors pourquoi, en 2006, la loi sur la négation fut proposé par le PS si elle n’était pas « respectueuse de notre Constitution », ni conforme aux engagements et aux traités internationaux de la France. Il y a un flou qui mériterait d’être élucidé. De même pour les négociations d’adhésion : M. Hollande a maintes fois déclaré que celle-ci ne se réaliserait pas pendant son quinquennat. Sur ce point, son prédécesseur avait une position claire : la Turquie n’a pas vocation à intégrer l’Union européenne. Point. Si l’on en croit sa lettre à M. Önger, pour M. Hollande « L’Europe, en acceptant de négocier l’entrée de la Turquie dans l’Union, est fidèle à son essence. » La formulation, là encore, évite la vraie question, donc la vraie réponse : la Turquie a-t-elle oui ou non vocation à intégrer un jour l’Union ? Si oui, la France, sous sa présidence, encouragera-t-elle l’ouverture de nouveaux chapitres et la reprise des négociations ? Pour les reprendre, considèrera-t-elle nécessaire que soit levé le blocus contre l’Arménie, que soit abandonné son refus de reconnaître la république européenne de Chypre ou de libérer, au nom des droits de l’Homme et de la liberté d’expression découlant de ses engagement européens, les journalistes et les députés kurdes emprisonnés ? La lettre à M. Öngerprend bien soin d’évoquer ses sujets qui, pourtant, sont au cœur de l’activité de propagande du Centre Culturel Anatolie ou du Comité de Coordination des Associations Franco-Turques que préside M. Önger.
De fait, le caractère bien souvent rhétorique de cette lettre renvoie à une autre absence, celle qui a traversé tout le débat présidentiel : la politique étrangère de la France, en particulier celle qui porte sur l’élargissement de l’Europe et les problèmes du Moyen-Orient. Bienheureux celui qui sait aujourd’hui quelle est la position du nouveau président sur l’Iran, la Syrie ou l’hypothétique Palestine, sans parler de la question du Karabagh, (sachant que la France, membre du Groupe de Minsk, y a son mot à dire.) Pourtant, au rebours de son prédécesseur, M. Hollande, dit-il, n’empiètera pas sur les prérogatives du gouvernement et n’interviendra directement que dans le domaine réservé à sa fonction. Or, au premier rang de sa fonction, traditionnellement « domaine réservé », se place la politique étrangère. Il ne serait donc pas inconvenant de demander en conséquence au président des éclaircissements que n’a pas su ou voulu donner le candidat. Si, comme le disait Mitterrand, il n’est pas interdit à un homme politique d’entretenir l’ambiguïté sur ses intentions, il n’est pas non plus souhaitable d’en cultiver le flou plus que de mesure, au risque de faire passer l’habileté pour de l’indécision.
On pourrait certes se rassurer en pensant à la constance des positions de François Hollande par le passé, en particulier sur la question arménienne. Entouré par les Verts, qui se lèchent déjà les babines en pensant rafler, comme en Allemagne ou en Belgique, les votes des futurs électeurs turcs aux municipales, incités à plus de souplesse par des proches tels que Moscovici ou Jean-Pierre Jouyet, voire Elisabeth Guigou ou encore Rocard, grands conseillers de l’Institut du Bosphore, il n’est pas exclu que le président révise une position prenne sa propre devise au mot : Le Changement, C’est Maintenant. En tout cas, lorsque la seule position politique à laquelle on a affaire se situe entre l’ambigüité et l’indécision, la seule attitude qui s’impose est moins la confiance aveugle que la vigilance.

René Dzagoyan, écrivain, consultant international


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